Merai a résisté au colonialisme toute sa vie

Le 7 novembre, l’État d’Israël a démoli quatre maisons dans la vallée du Jourdain, faisant quatre familles sans abri. À 6h30, l’armée israélienne est venue photographier la maison et, peu après, trois bulldozers gardés par une trentaine de soldats des forces spéciales Yasam sont entrés dans le village d’al Jiftlik. Les routes principales étaient fermées par des postes de contrôle, empêchant tout mouvement dans le village. L’armée israélienne a encerclé la maison en prenant position dans les champs qui l’entourent. La famille d’Abu Khalil Moussa ne pouvait rien faire d’autre que de voir, impuissant, leur maison tomber en ruine.

Les deux frères vivaient dans la maison qui fut construite en 1986 avec leurs familles. Avec leur père, ils ont travaillé pendant six ans pour pouvoir se permettre de construire et d’entretenir leur maison. L’un des frères, nommé Khalil, raconte: « J’ai travaillé pour ça depuis que j’avais 18 ans. En une heure, ils l’ont détruit. » Maintenant, les familles vivent tous dans une pièce au domicile d’un parent. Khalil a également expliqué aux activistes d’ISM et de JVS comment son fils est venu pour récupérer son ballon de foot avant la démolition. Il a été chassé, mais est revenu sur les décombres plus tard dans la journée mais sans succès.

Démolition de la maison d’Abu Khalil Moussa

La famille voisine de Merai Abu Ahmad a également perdu sa maison. Une famille de 10 personnes qui vivaient dans la maison depuis sa construction trois ans plus tôt. L’un des fils a montré aux activistes où se trouvait sa chambre. Son père Ahmad demande le soutien de quiconque pour pouvoir trouver un nouveau logement. «La vie ici est difficile», a-t-il déclaré en montrant la tente roulée qu’ils ont obtenue de la Croix-Rouge après la démolition, «nous sommes passés de cette maison à cette tente». La famille a été forcée de quitter son domicile directement de son lit ce matin-là. C’est quelque chose qu’ils vivent depuis des générations.

En 1967, la plupart des familles de la région ont fui leurs maisons. La famille Merai, qui avait été forcée de se rendre au village d’al Jiftlik après avoir été expulsée par les forces d’occupation du camp de réfugiés d’Abu al Ajaj, a décidé de rester. La région s’appelle donc maintenant Da Beit Merai et Merai lui-même a dit à ISM et JVS comment, en 1967, il a demandé aux militaires: «Où dois-je aller maintenant? Tu m’as viré de partout ». Il est resté dans sa maison, témoin de la démolition de toutes les maisons voisines: «Et maintenant l’histoire se répète». Il explique comment les forces d’occupation ont volé environ 400 moutons du village dans les années 70 et les ont utilisées pour un zoo touristique de crocodiles. Si les bergers voulaient récupérer leurs moutons, ils devaient payer presque le même prix qu’un nouveau coûterait.

Le camp de réfugiés d’Abu al Ajaj, où vivait auparavant Merai à Al Jiftlik, a été repris par la colonie illégale Masu’a. Ces deux familles n’ont pas le statut de réfugié ni de carte d’identité malgré leur expulsion

Les enfants autour de l’ancienne maison d’Abu Khalil Moussa

Dans une partie voisine d’Al Jiftlik, ISM et JVS rencontrent une autre famille, la famille d’Abu Ahram, qui a également perdu sa maison ce même jour. La famille sans-abri n’a pas reçu de tente, comme les autres familles, et reste maintenant tous dans une même pièce. Entouré par les enfants, le neveu de l’homme qui a perdu sa maison a raconté comment ils ont également été traités par les forces d’occupation, les forçant à quitter leur maison et à s’éloigner de leurs terres. La maison était l’un des rares bâtiments en béton de cette communauté bédouine.

La quatrième maison détruite ce mardi était une grange agricole construite sur une citerne d’eau. La citerne a été gravement endommagée et les 50 agriculteurs qui l’utilisent ne sont pas sûrs qu’elle soit réparable. À l’intérieur de la maison, il y avait des outils et des machines agricoles, et les agriculteurs n’étaient pas autorisés à les empêcher d’être écrasés lors de la démolition. La citerne a été construite il y a 17 ans et fournissait de l’eau pour les champs de haricots, de tomates, de piments et de concombres avec un stockage de 170m3 d’eau. Le bassin et la grange ont été construites pour un montant de 50 000 shekels (NIS). « Ce prix serait le double aujourd’hui », a déclaré le fermier Bassil Ibrahimi à JVS et ISM. Au moment de la démolition, de l’eau s’est renversée et a détruit un champ de haricots couvrant un dunum de terre. Ibrahimi a également dénoncé les 400 m2 des abris pour animaux et machines détruits entre 1988 et 2000.

La citerne endommagée a fuit sur 70 mètres cubes d’eau

Les démolitions sont souvent effectuées en automne et en hiver quand il fait plus froid. Israël interdit aux Palestiniens de construire des infrastructures ou d’autres projets de développement dans la vallée du Jourdain, tels que la récupération de terres agricoles, l’ouverture de routes agricoles ou l’extension des réseaux d’irrigation. En outre, Israël continue de confisquer des terres, de démolir des maisons et d’empêcher la réhabilitation des maisons et des routes existantes des Palestiniens, mais maintient des plans d’expansion des colonies et de développement des infrastructures pour les colons israéliens dans la vallée du Jourdain.