Vendredi 15 mai 2015, Rashed Khudary nous a envoyé un courriel relatant des événements récents ayant eu lieu dans la Vallée du Jourdain. Il nous demande « il faut que ces actions se sachent….dites le… »

Le texte a été écrit en anglais par Alice Gray enseignante en permaculture et consultante indépendante et traduit par D. Laurier.

Ils ont brûlé notre or : les israéliens ont détruit les récoltes de la Vallée du Jourdain.La Vallée du Jourdain est un océan d’or: depuis des décennies , après les bonnes pluies d’hiver, les champs de blé et d’orge s’agitent sous le vent , leurs lourds épis chargés de grains vont nourrir les communautés et leurs troupeaux durant la longue période de chaleur estivale.

Cette année la récolte est exceptionnelle et les agriculteurs s’activent.

Putting out fire near Al Hadidiya

Sur les pentes , les engins travaillent pour la moisson et coupent la paille. Ils gardent une partie de la récolte pour eux et ils iront au marché pour vendre le reste : un apport immédiat d’argent liquide.

Mais toute cette récolte n’a pas été stockée dans les granges et n’a pas été vendue sur les marchés…La semaine dernière des incendies violents ont ravagé la région, brûlant et anéantissant le produit d’un lourd travail estimé à des centaines de milliers de shekels (1000shekels = 200euro )

Les agriculteurs palestiniens et les internationaux solidaires ont dit que ces feux sont dus aux tirs de l’armée israélienne durant la semaine d’entraînement qui a commencé le 3 mai. Cette année l’envergure de ces entraînements fut exceptionnelle , du jamais vu ! un mouvement de centaines de véhicules militaires, des hélicoptères ,des tanks et environ 2000 soldats !

« Ils pouvaient effectuer ces manœuvres à un autre moment, quand le blé était en herbe » précise Rashed Sawaftah , le coordinateur de Jordan Valley Solidarity, mais ils ont choisi le moment où tout était mûr, prêt à brûler. Cinq communautés ont dû évacuer les lieux, menacés par l’approche du feu.

Ali Abu Khreish du campement de Homra , a été contraint de quitter son exploitation non protégée.

« Ils sont arrivés à 6 heures du matin et nous ont demandé de partir, dit- il , nous n’avons pas pu revenir avant 18 heures, les enfants n’ont pu aller à l’école , nous avons passé toute la journée sur la montagne près de al-Hadidiya sous le soleil et dans le vent . Quand nous avons pu retourner chez nous , toute la terre autour était brûlée. »

On entendait le bruit des explosions et le crépitement des tirs pendant que les hélicoptères tournaient au-dessus de nos têtes et que de lourds camions acheminaient les tanks vers les bases militaires.

Le porte- paroles de l’armée israélienne a dit que les familles avaient été évacuées pour leur sécurité et que l’armée avait mis en place, dans cette opération, une équipe chargée spécialement de maîtriser le feu !

Cependant les pentes des collines de Herbaiet al Homra sont calcinées , récoltes et végétation carbonisées.

Certes le préjudice porté à la récolte est important ajoute Rashed mais de plus ces terres brûlées ne pourront plus servir de pâturages pour les bêtes.

PRESENCE MILITAIRE ET OCCUPATION

La Vallée du Jourdain couvre 30% de la Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967.Cet espace s’étend le long de la Cisjordanie du nord au sud et longe toute la frontière avec la Jordanie.

Aujourd’hui , plus de 20 bases militaires israéliennes y sont installées et 37% de l’espace sont déclarés « zones militaires d’entraînement »

Le Premier Ministre Israélien Benyamin Netanyahou a décidé que l’armée israélienne resterait sur cet espace, sans tenir compte de l’avis de l’Autorité Palestinienne. De plus , il a affirmé que toute cette région était « zone militaire « .

DEPEUPLEMENT ET COLONISATION

La présence israélienne n’est pas seulement matérialisée par les bases militaires .On estime à 86% des terres confisquées par 37 colonies illégales peuplées par environ 10 000 colons israéliens.

La principale activité de ces colons est l’agriculture, la plus grande partie de leur production est destinée à l’exportation- une activité rapportant plusieurs millions de dollars.

En même temps, les paysans palestiniens de cette zone souffrent d’énormes restrictions , le manque d’eau , d’électricité, pour leur exploitation ou leur habitation , ils n’ont pas la possibilité de faire des projets de construction, ou tout autre structure « en dur » comme une maison ou une citerne de réserve pour l’eau ; ils sont sans cesse menacés de destruction .

Au total British Charity Oxfam estime à 94 % le nombre de refus concernant les projets de construction chez les Palestiniens et l’Office pour la coordination des affaires humanitaires de l’ONU déclare que 246 constructions ont été détruites dans la Vallée du Jourdain en 2014 ; ce qui a provoqué le déplacement de 510 personnes.

En 1967, plus de 320 000 personnes vivaient ici. Actuellement il reste 56 000 personnes et leur niveau de pauvreté est deux fois plus important que dans le reste de la Cisjordanie.

Un rapport fourni en avril par une commission des Droits de l’Homme constate que de nombreuses familles sont contraintes d’envoyer leurs enfants travailler dans les colonies agricoles israéliennes dans des conditions d’exploitation difficiles et illégales. Aucune loi israélienne relative au travail n’est respectée. Plus de 1000 enfants palestiniens certains âgés de 11 ans seulement , travaillent durant 10 -12 heures , sous des serres, par une température de 50 degrés en été, pour rapporter à la maison un salaire journalier de 50 sheckels ou moins encore ! (10 euro).

Selon un rapport de la Banque Mondiale réalisé en octobre 2013, si les contraintes imposées aux Palestiniens concernant les accès à l’eau et à la terre étaient levées, dans la zone C , les activités agricoles pourraient engendrer une augmentation de 704 millions de dollars par an (environ 620 millions d’ euro) de revenus pour l’économie palestinienne.

DE L’EAU , DE L’EAU PARTOUT…

La Vallée du Jourdain est relativement riche en eau , mais le principal obstacle auquel sont confrontés les Palestiniens est l’accès à cette eau.

Beaucoup de communautés ne sont pas connectées aux réseaux et sont contraintes de s’approvisionner par des citernes tirées par des tracteurs pour subvenir à leurs besoins .

L’eau ainsi acheminée coûte cinq fois plus cher que l’eau des réseaux- A Al-Hadidiya et à Homra , 10 M3 coûtent 200-300 sheckels (40- 60 euro). A Tubas seulement 30 litres par personne et par jour sont accordés.

Par contraste ,les colons israéliens dans les mêmes régions consomment environ 450 litres par jour et par personne, l’eau leur étant distribuée par la compagnie israélienne Mekorot. Cette compagnie contrôle 28 puits sur le territoire palestinien et extrait 32 millions de M3 par an sur la Cisjordanie occupée. Ces puits , ces canalisations sont surveillés par l’armée israélienne et strictement interditsd’accès aux Palestiniens.

Le 6 mai , des paysans de Al-Hadidiya, ont utilisé 3 citernes d’eau(120 euro ) pour éteindre un incendie sur un champ de blé juste à côté d’installations de Mekorot ,voisine de la colonie de Roi.

Selon des témoins ce feu a été allumé par des colons dans des dépôts d’ordures.Quand les véhicules de l’armée sont passés , ils ne se sont pas arrêtés pour aider les Palestiniens.

LA LUTTE CONTINUE

« C’est comme ça depuis plus de 20 ans » dit Rashed Sawafta . Chaque année , il y a des manœuvres militaires ,chaque année , il y a des incendies ».

JVS et Land Defence Commission (LDC) ont protesté auprès des missions diplomatiques des membres de l’Europe afin qu’ils interviennent et exigent d’Israël qu’il stoppe ses entraînements militaires sur les terres de la Cisjordanie occupée sous peine de sanctions….tout cela en vain !

Sawaftah accuse les militaires de pratiquer ces manoeuvres qui ne sont que prétextes pour faire pression sur ces populations afin qu’elles quittent ces terres ; de son côté, l’armée israélienne affirme que ces gens vivent illégalement sur des zones déclarées « zone de tir ».

Beaucoup de paysans ont vu leur demeure démolie, plusieurs fois, mais beaucoup s’obstinent, déterminés à rester et à reconstruire.

« Nous n’abandonnerons pas »affirme une personne de Homra surnommée « la tempête » en raison de ses années de résistance active face au harcèlement : « Nous résisterons jusqu’à la mort , quoiqu’ils fassent ,quoiqu’ils prennent , je ne quitterai pas ma terre ».