Appel à l’Union Européenne – Agissez maintenant pour mettre fin aux militaires israéliens en zones habitées par des civils

Aujourd’hui, le 4 mai 2015, les organisations Land Defense Coalisation et Jordan Valley Solidarity ont envoyé une lettre à la Commission Européenne et aux missions diplomatiques de ses États membres. Elles demandent une action d’urgence, et la dénonciation des exercices militaires d’une durée et d’une étendue sans précédent que l’armée israélienne effectue en ce moment dans la vallée du Jourdain, à l’est des Territoires Palestiniens Occupés.

Les organisations demandent une action claire, comprenant la suspension de l’accord commercial entre l’Union Européenne et l’État d’Israël, et l’exclusion immédiate des entreprises de défense et de sécurité israéliennes du fond européen Horizon2020.

Ci-dessous, vous pouvez lire la lettre dans son ensemble :

Nous demandons à nos soutiens internationaux d’en appeler à leurs représentants élus pour exercer une pression sur les forces de l’occupation, afin de METTRE UN TERME AUX ENTRAÎNEMENTS MILITAIRES dans la vallée du Jourdain.

Jordan Valley Solidarity, le 4 mai 2015

A l’attention de : La Représentation de L’Union Européenne pour la Cisjordanie et la Bande de Gaza, Missions diplomatiques des États Membres de l’Union Européenne

Objet : appel à la mise en place d’une action d’urgence contre un entraînement militaire à grande échelle de l’armée israélienne dans la vallée du Jourdain

Madame, Monsieur,

Nous vous écrivons pour vous demander a) Une intervention d’urgence au nom du respect du droit international humanitaire et au travers des canaux diplomatiques appropriés, pour exiger des autorités israéliennes un arrêt immédiat des entraînements militaires actuellement en cours dans la vallée du Jourdain. Ces entraînements sont effectués avec une envergure sans précédent depuis le dimanche 3 mai, et doivent d’étirer pour l’instant jusqu’au jeudi 7 mai. b) D’exercer une pression sur les autorités israéliennes afin qu’elles mettent fin à la pratique des exercices militaires et à l’existence de zones d’entraînements militaires (« firing zones ») dans les Territoires Palestiniens Occupés. c) De prendre des mesures d’envergure pour mettre un terme au transfert forcé de population effectué par l’État Israélien dans les zones C, y compris par l’exclusion des forces de sécurités et des compagnies de défense israéliennes du fond européen Horizon2020, ainsi que par la suspension de l’accord commercial entre Israël et l’Union Européenne.

Depuis le dimanche 3 mai 2015, un entraînement militaire israélien à l’artillerie lourde est en cours à Twayyel,dans la région d’Aqraba au nord de la Vallée du Jourdain. Selon des témoins, il y aurait plus de cent véhicules de l’armée, y compris des hélicoptères et de l’artillerie. La population palestinienne locale n’a pas été mise au courant de la tenue de ces exercices, et a seulement été alertée de leur imminence lorsqu’elles ont vu une base militaire provisoire être construire une semaine auparavant. De nombreuses familles vivent dans cette zone, et sont régulièrement victimes de la mise en péril de leurs vies, de leurs maisons et de leurs cultures.

Le 30 avril 2015, l’armée israélienne a rendu visite aux familles de bédouins vivant dans la zone située autour du checkpoint de Hamra, qui inclue les villages de Humsa Fouqa, Khirbet Ibziq, al Borj, al Meeta al Maleh, et Ras ar Ahmar, et les a contraint à signer des papiers les obligeant à quitter la zone entre le lundi 4 mai et le jeudi 7 mai, car l’armée avait l’intention d’y effectuer un entraînement militaire. Ces communautés comprennent 47 familles.

Depuis ce matin, le 4 mai, des explosions ont lieu dans la zone, similaires à celles entendues lors de l’entraînement militaire qui avait pris place dans la région de Humsa Fouqa le 28 avril 2015. Cet entraînement avait eu pour conséquence la destruction de plus de 300 hectares de cultures et de plantations par l’utilisation de munitions qui avaient provoqué un feu sur les champs palestiniens. Les pompiers palestiniens s’étaient alors vu interdire l’accès à la zone.

Certaines familles ont aujourd’hui quitté la zone, mais la plupart d’entre elles a décidé de rester sur place, autour du checkpoint de Hamra, dans leur maison. Leurs vies sont menacées à tout moment par les tirs de missiles qui ont lieu autour de leurs villages. Mais toutes sont trop inquiètes pour leurs cultures, qui sont leur seul moyen de survie. Elles pourraient être détruites par un feu, ou l’armée israélienne pourrait déplacer leurs stocks. Alors que nous sommes en pleine saison d’agnelage, cela pourrait entraîner la perte d’un grand nombre de bêtes. De plus, les communautés restées sur place s’inquiète pour leurs biens : leurs maisons et leurs réservoirs d’eau pourraient être endommagés ou détruits, et leurs troupeaux sont en danger.

Le nombre d’entraînements militaires dans la vallée du Jourdain a dramatiquement augmenté depuis 2012, et ne sont qu’une partie des techniques mises en œuvre par les autorités israéliennes pour forcer indirectement la population palestinienne à quitter la zone C. Ces techniques vont de la démolition de maisons à l’interdiction d’accès à l’eau potable, en passant pas de sévères restrictions de mouvement dans la vallée. Les communautés bédouines qui vivent dans la région, telle que celles concernées par les entraînements aujourd’hui, sont destinées à être déplacées vers des zones appelées « zones de transfert », actuellement en construction dans la région d’Abu Dis, et en cours de planification autour de la ville de Jéricho.

En mai 2014, le Colonel Einav Shalev, officiel responsable des opérations au Commandement Central, a déclaré au Comité des Affaires Étrangères et de Défense de la Knesset [Parlement d’Israël] que « l’objectif d’empêcher les constructions illégales est l’une des principales raisons pour lesquelles le nombre d’entraînements des Forces de Défenses Israéliennes dans la vallée du Jourdain a récemment augmenté »[1].

Une fois que les populations sont transférées ailleurs, la zone est disponible pour être annexée par l’État Israélien. L’objectif de ce dernier est de regrouper l’ensemble de la population palestinienne sur les 13% restants de leur territoire, réduisant ces zones palestiniennes à de simples ghettos ou Bantoustans.

Les équipement utilisés lors de ces opérations militaires sont fournis en partie par des compagnies militaires israéliennes, qui trouvent dans les exercices militaires effectués en Cisjordanie l’opportunité de développer leur technologie, et d’en faire la démonstration.

Selon l’OCHA [Bureau de l’ONU pour la Coordination des Affaires Humanitaires], environ 18% de la Cisjordanie sont aujourd’hui des zones militaires destinées aux entraînements (« firing zones »[2]). Cela représente la même surface que celle laissée sous autorité Palestinienne par les Accords d’Oslo (la zone A, 17,7%). Plus de 5000 Palestiniens vivent dans les zones militaires, regroupés au sein de 38 villages. Ce sont pour la plupart des communautés de bédouins qui ont fuit le désert du Négev (Naqab) entre 1948 et 1952, et se sont réfugiés en Cisjordanie.

La création de zones militaires va de pair avec une série d’atteintes aux Droits de l’Homme, et est une grave violation des obligations d’Israël envers le droit international, y compris le respect du droit à la vie, du droit au logement, du droit d’accès à l’eau et aux installations sanitaires. L’Etat israélien ne respecte donc pas la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des populations civiles, qui oblige notamment à protéger une population occupée, et à ne pas modifier la composition démographique de la région occupée.

La Cour Pénale International a défini le transfert forcé et arbitraire de populations comme un crime contre l’humanité lorsqu’il est une attaque large et systématique contre une population civile. C’est ce qui est actuellement en train de se passer dans la vallée du Jourdain. Le crime du transfert forcé de population peut être commis par de nombreux « moyens coercitifs » pour contraindre les habitants à quitter leurs maisons. Le déplacement d’individus, lorsqu’il est effectué sur des bases discriminatoires, consiste en de la persécution. Le transfert de population « destiné à diviser la population selon des critères raciaux par la création de réserves séparées et de ghettos pour les membres d’un groupe ou de groupes raciaux », ainsi que « la mise en place délibérée de conditions visant à empêcher le bon développement des droits humanitaires de base de ce(s) groupe(s), dont […] le droit à la liberté de mouvement et de résidence » est le nœud central des politiques qui constituent le crime d’apartheid.

En 2011 déjà, les rapports de missions des émissaires de l’Union Européenne sur la zone C et le développement de l’État palestinien[3] avaient souligné que la politique israélienne mise en place en zone C « a pour conséquence le transfert forcé de la population autochtone ». Ils avaient également mis l’accent sur le maintien depuis des dizaines d’années de zones militaires et de « firing zones », une pratique illégale et avec de graves conséquences sur la population.

En 2012, le Secrétaire Général des Nations Unies avait déclaré que la mise en place des « tranferts » relèverait du déplacement de masse et d’expulsions forcées d’individus, ce qui est interdit par le droit humanitaire international et les droits de l’Homme.

Toujours en 2012, les conclusions du Conseil sur le processus de paix au Moyen Orient avait exprimé « de profondes inquiétudes concernant des pratiques sur le terrain qui sont une menace et rendent la mise en place de la solution à deux États impossible »[4], en particulier les pratiques israéliennes de transfert forcé dans les zones C.

En 2012 également, la résolution du Parlement Européen sur la politique en Cisjordanie et à Jérusalem avait appelé « le Conseil et la Commission à continuer à s’inquiéter de ses problèmes à tous les niveaux de la relation bilatérale entre l’Union Européenne, l’État d’Israël et l’Autorité Palestinienne », en soulignant que « l’engament de l’État d’Israël à respecter ses obligations face au droit international humanitaire et envers la population palestinienne doit être pris en considération lors des relations bilatérales entre les États de l’Union Européenne et ce pays. »[5]

Le rapport sur la zone C par le département du Directeur Général pour les Relations Extérieures de l’Union Européenne avait conclu que « rien de substantiel a été accompli pour mettre en œuvre les recommandations minimales fixées par le rapport sur la zone C de 2011. Alors que l’UE a exprimé sa préoccupation à propos de l’état des choses sur le terrain, une action décisive effective est attendue depuis longtemps « [6], y compris la suspension de l’accord commercial entre l’État d’Israël et l’Union Européenne.

En 1967, 350 000 Palestiniens vivaient dans les régions aujourd’hui désignées comme « zone C ». Aujourd’hui, ils ne sont plus que 150 000. De nombreux représentants politiques israéliens considèrent ce chiffre « acceptable pour être intégré à l’intérieur d’un État Juif »[7].

Le transfert de population est une annexion de facto qui rend toute mesure formelle superflue. L’Union Européenne ne doit pas attendre plus longtemps pour prendre des mesures fortes et efficaces, y compris :

  • Une intervention d’urgence pour mettre fin à l’entraînement militaire israélien

  • L’exercice d’une pression sur les autorités israéliennes pour révoquer tous les ordres militaires créant des « zones militaires fermées » et des « zones d’entraînements militaires », qui entrent en contradiction avec le droit international et sont un moyen de transfert forcé de la population

  • L’exclusion immédiate des compagnies israéliennes de sécurité et de défense du fond européen Horizon2020

  • La suspension immédiate de l’association commerciale avec l’État israélien

La Coalition de Défense de la Terre [The land defense coalition] et Jordan Valley Solidarity

Les organisations membres :

  • The Popular Council to Protect the Jordan Valley

  • Stop the Wall Campaign

  • Palestinian Farmers Union

  • Palestinian New Federation of Trade Unions

  • Palestine Youth Forum

  • Association for Farmers’ Rights and for the Preservation of the Environment

  • Women Center for Social Development

  • Association Jadayel/Palestinian Center for Culture

  • Arts and Creativity

  • Palestinian Farms Society-Tulkarem

  • N’lin Society for Development Community Work

  • Al-Amal Association for Childhood and Development

[1]http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/.premium-1.591881

[5] European Parliament resolution of 5 July 2012 on EU policy on the West Bank and East Jerusalem (2012/2694(RSP)), http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P7-TA-2012-0298&language=EN