Rencontre entre JVS et des membres de l’ONG Médecins du Monde
Aujourd’hui, le 2 février 2015, Jordan Valley Solidarity a rencontré des membres de l’ONG française Médecins du Monde, afin de discuter de la possibilité de travailler ensemble pour mettre en place un système de soins médicaux psychologiques dans la vallée du Jourdain. Médecins du Monde a déjà travaillé sur des projets pour apporter des soins médicaux psychologiques au Palestiniens de Jéricho et aux communautés bédouines du sud de la vallée du Jourdain. Suite à notre rencontre, nous espérons pouvoir étendre leur projet vers l’ensemble de la vallée du Jourdain.
Le principal objectif de notre réunion aujourd’hui était pour les membres de l’ONG Médecins du Monde de faire le point sur les problèmes de santé mentale auxquels font face les populations du nord de la vallée, afin de pouvoir commencer à réfléchir à la stratégie à adopter pour mettre en place leur projet dans cette région. Jordan Valley Solidarity les a donc accompagnés dans deux des cinq villages du nord où il serait nécessaire de voir se réaliser un tel projet.
Le premier village où nous nous sommes rendus était celui de Hamsa, où nous avons parlé avec la famille d’Abu Raed. Depuis 1967, Hamsa est la cible des forces de l’occupation, en particulier en raison de la position géographique du village, au sommet d’une colline. Depuis Hamsa, nous avons une large vue sur un checkpoint, une colonie et une base militaire israéliennes. La maison de la famille qui y vit a été détruite à deux reprises par l’armée israélienne, qui a même été jusqu’à lui proposer deux millions de dollars pour qu’elle parte s’installer ailleurs. Mais la famille d’Hamsa a jusqu’à présent toujours refusé de quitter ses terres. Comme pour beaucoup de Palestiniens, refuser de laisser sa terre aux mains d’Israël, quelles que soient les actions mises en place par son armée pour les faire partir, est la principale forme de résistance non-violente à l’occupation.
Nous, représentants du mouvement Jordan Valley Solidarity, croyons plus que tout en la pertinence et le succès de cette forme de résistance. C’est pourquoi en 2012 nous avons aidé la famille de Hamsa à reconstruire sa maison, et à y acheminer l’eau dont elle a besoin pour y vivre. Mais une fois de plus, elle a reçu en octobre 2014 un ordre de démolition pour sa maison, qui pourrait être mis à exécution à tout moment.
Le second village où nous nous sommes rendus était Al-Hadidiya, où nous avons parlé avec Abu Sakr, un activiste palestinien membre de JVS et de la Palestinian Farmers Association. Il nous a expliqué comment son village est une des cibles privilégiées de l’armée israélienne depuis l’occupation de la vallée du Jourdain en 1967. Il nous a raconté comment les Israéliens ont commencé par attaquer les troupeaux, d’abord en tuant le bétail, ensuite en adoptant la stratégie de le confisquer et de le placer en quarantaine, demandant aux Palestiniens une importante somme d’argent compensant les dépenses journalières pour l’entretien des animaux.
Après 1993 et les accords d’Oslo, les Israéliens ont mis en place une politique de destruction systématique des maisons, prétextant que les Palestiniens n’ont plus le droit de vivre ni de construire dans les zones C [sous contrôle total d’Israël] et doivent partir vivre en zones A ou B [sous contrôle total ou partiel palestinien]. La maison d’Abu Sakr a été détruite six fois par l’armée israélienne.
Les ressources en eau de la région ont également toutes été confisquées, et les habitants de la région se sont vu interdire le droit de construire une école pour leurs enfants.
En 1997, cinquante-sept familles vivaient à Al-Hadidiya. Depuis, les Palestiniens ont été poussés à partir par la politique israélienne de restriction d’accès aux ressources vitales et d’exactions quotidiennes. Aujourd’hui, seules quatorze familles vivent encore à Al-Hadidiya.
Dans les deux villages d’Al-Hadidiya et de Hamsa, les membres de l’ONG Médecins du Monde ont pu collecter des informations et des indicateurs des facteurs de stress auxquels sont confrontés quotidiennement les villageois, et qui peuvent mener à des troubles de la santé mentale.
Tous ces facteurs de stress se sont révélés être une conséquence directe de la politique israélienne mise en place dans la vallée du Jourdain : confiscation des ressources vitales, harcèlement par l’armée, vie dans la peur permanente de voir sa maison détruite… Nous avons également rencontré deux femmes atteintes de troubles mentaux, et pour qui les membres de Médecins du Monde ont préconisé une prise en charge médicale d’urgence.
Les membres de l’ONG ont également du reconnaître que quelles que soient les prises en charge qu’ils pouvaient mettre en place pour palier aux problèmes mentaux, ils devaient faire face au fait que la santé mentale est un sujet rarement discuté au sein de la population palestinienne dans la vallée du Jourdain, et que les symptômes sont souvent expliqués en les reliant à des croyances spirituelles d’existence de phénomènes tels que des démons.
Cette réunion avec les membres de Médecins du Monde s’est révélée très fructueuse. Nous espérons pouvoir les rencontrer de nouveau pour discuter ensemble de stratégies plus spécifiques à mettre en place afin de procurer des soins médicaux psychologiques aux habitants de la vallée du Jourdain.
A l’issue de notre réunion, nous avons décidé qu’il était nécessaire pour un tel projet de collecter suffisamment de données sur les villages où les médecins souhaitent intervenir, afin de pouvoir les présenter aux potentiels donneurs qui voudraient soutenir cette initiative. Nous espérons que nous pourrons réunir suffisamment de ressources afin de rendre possible la réalisation de ce projet, que nous voyons aujourd’hui comme l’un des plus importants pour les habitants de la vallée du Jourdain.
Par Jordan Valley Solidarity